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/Fondamentaux

  • La troisième phase, marquée par l’avènement de l’ère industrielle, a vu à la fois disparaitre l’art urbain (créateur des places à valeur esthétique) et s’effacer la fonction d’espace public et populaire des place organiques. La vie public s’est concentrée dans des bâtiments fermés (marché, salle de spectacle), l’espace urbain a été envahi par les moyens de transport. Les places nouvelles crées par l’urbanisme sont partie intégrante des systèmes de circulation. ; elles ne sont plus au  service du piéton, mais leur centre peut être occupé par un moment. Dans son analyse, demeurée exemplaire, des places traditionnelles et de leur qualité esthétiques, Camillo Sitte montrait qu’elles avaient, déjà en 1889, perdu leur sens  et leur fonction originels. Aujourd’hui la place traditionnelle a conservé un rôle et une animation, dans certaines villes moyennes ou petites, et même dans les grandes villes en Espagne et en Italie. Mais, d’une façon générale, après avoir été éliminée par l’urbanisme progressiste, et remplacée par divers supermarchés commerciaux et centres culturels, elle est devenue le symbole nostalgique d’une qualité urbaine perdue. D’une part, les politiques du patrimoine tentent de préserver les places historiques et de les rendre à leur vocation piétonnière, en les exposant aux dangers divers de la consommation touristique. D’autre part, nombre d’urbanistes et d’architectes s’efforcent de réintroduire et de reproduire l’espace de la place traditionnelle dans des agglomérations nouvelles. Certains post-modernes font même de la place un invariant culturel. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’historicité de la place et sur la signification de cet organe urbain dans uen société qui en a perdu l’usage. La question de la place est inscrite dans la problématique actuelle de l’urbain et du public.

« Du latin platea (place publique), lieu public découvert constitué par l'ensemble d'un espace vide et des bâtiments qui l'entourent. Son importance et son rôle varient selon les cultures et les époques, et selon l'intensité de la vie publique.
Dans certaines cultures, la place urbaine n’a pratiquement pas  d’existence (Islam), et dans d’autres, elle est exclusivement liée à des pratiques religieuses (Mexique précolombien). On connait, en revanche, le rôle polyvalent (politique, social, religieux, économique).joué par cet organe urbain dans les cités de l’Antiquité  grecque et romaine : agora forum sont devenus des symboles de la vie urbaine et de l’espace public.
Dans les pays occidentaux, l’histoire de la place est scandée à la fois par celle de l’urbanisation et par celle du pouvoir, non dans accuser des décalages chronologiques et des différences morphologiques d’un pays a à l’autre. On peut, très schématiquement, la diviser en trois phases :

  • La première couvre la période médiéval, du XI à la fin du XIV siècle, et voit, en particulier, à la fin de ce siècle, où se développent, des places qu’on a pu appeler « organiques » (F. MANCUSO, « La piassa della citta italiana », in Le Piazza e la citta, Institut Italien de Paris, 1985) parce qu’elles s’avèrent un organe urbain fondamental, présent pour chaque ville une morphologie original, adapté à son site, sa forme, et sa vocation. Cette place médiévale est apparue est apparue essentiellement en Italie, pays dans lequel l’intensité de la vie publique était favorisée par la densité de urbanisation (étayée par une solide armature antique) et par la vitalité de ses structures municipales. Dans le cas des fondations d’origine romaine, ces places sont établies sur l’ancien forum (Bologne, Padoue, Vérone) ; dans les fondations nouvelles, elles occupent une position centrale. Elles sont toujours associées à au moins un édifice essentiel et prestigieux de la ville, attirant les rassemblements populaires et les fêtes auxquels elles prêtent un cadre fonctionnel et symbolique ; cathédrale, église (Parme), ou palais (Sienne, Florence). […] Les places centrales irrégulières, dont la forme est dictée par les pratiques collectives locales, témoignent d’une grande sophistication dans leur adaptation au site et à la morphologie urbaine ; elles sont toujours placées tangentiellement aux voies de circulation, de façon à offrir un espace protégé et convivial, et visuellement closes par des artifices divers, parmi lesquels les ornements (fontaines, sculptures, loges), mais en position centrale, jouent un rôle important ; enfin, elles sont caractérisées par l’échelle et la qualité de l’architecture des édifices majeurs qui forment leur care. Certaines villes comportent un véritable système de places, communicantes ou voisines (Bergame, Modène, Ferrare). Hors d’Italie » les places médiévales sont rares. Deux exceptions sont toutefois à signaler : les places établies sut le forum des anciennes fondations romaines, et dans les bastides et dans des villes nouvelles, les places à arcades, qui occupent plusieurs modules au centre de leur grille orthogonale et réunissent généralement l’église sur un côté et une halle marchande au centre. […]
  • La seconde phase (de la Renaissance à l’ère industrielle) voit créer sous l’impulsion première de l’Italie, la place esthétique dont la finalité ; qui l’emporte sur toute valeur fonctionnelle, est essentiellement un embellissement de la ville, lié à une image du pouvoir. Cette place n’est plus l’œuvre collective des municipalités, mais la création des architectes, promoteurs de l’art urbain. Jusqu’au XIXe siècle, la place « programmée » fait l’objet de création de plus en plus importantes, élaborées et nombreuses, dont la maitrise esthétique sert à magnifier le pouvoir politique plus qu’à accueillir des activités collectives. On signalera, parmi d’autres, trois types particuliers de places programmées :

 / Place

- La place théâtrale du baroque italien qui, pour mettre en scène des monuments urbains, s’ouvre de plus en plus largement et établit une relation nouvelle avec les voies de communication (Rome de Sixte Quint et d’Alexandre VII).

- La place royale française, dont le premier exemple fut, à Paris, la place Royale (aujourd’hui des Vosges) d’Henri IV, régulière, ordonnancée mais encore fermée à la manière médiévale. Les Places royales tirent leur nom de la statue du roi qui occupait leur centre (disposition ignorée par l’Italie), avant que la Révolution ne les détruise. Parfois résidentielles, elles accueillent les sièges d’institutions ou d’administration variées : parlement, hôtel des fermes, hôtel de ville, bouse de commerce, etc. Au fil du temps, et des programmes, elles s’ouvrent, discrètement (place Vendôme, place des Victoires à Paris) ou largement (Bordeaux, Paris : Place Louis XV). Elles utilisent la perspective, à la manière de l’art des jardins. La Place royale a servi de modèles au cours européennes (de la péninsule ibérique à la Scandinavie), pendant deux siècles.

- La place résidentielle anglaise, créée au XVIIe siècle par l’architecte Inigo Jones qui s’inspirait de la Place Royale de Paris. La formule résidentielle proposée par Henri I ne devait jamais s’imposer en France. Elle connut un succès immédiat en Angleterre où, sous e nom de square, elle a donnée naissance à un « urbanisme domestique » original, d’un grand intérêt (Cf. D.J. OSBPORN, Town-Planning in London, The eigteenth and ninteenth centuries, Londres, 1964). Le centre du square est toujours occupé par un jardin, fermé d’une grille, dont les seuls riverains ont la clé. Par bus de langage, le nom de square a ensuite été donné à des places résidentielles, sans jardin (Trafalgar square) : cette carence lexicographique de l’anglais se traduit aujourd’hui par l’utilisation fréquente, en particulier aux État Unis, des termes de piazza et plazza pour désigner les places urbaines récemment créés (United Nations Plazza à New-York). Hors d’Europe, il faut citer la grande place à l’architecture baroque qui, dans les pays hispano-américains, occupe le centre de la grille coloniale et marque le pouvoir du pays colonisateur et de sa religion.

MERLIN, CHOAY, Dictionnaire de l?urbanisme et de l'aménagement, PUF, 1998

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