« Remodeler, voire métamorphoser, est un événement heureux alors que la démolition et la reconstruction sont horriblement douloureux : la table rase n’est pas la meilleure idée urbaine, c’est une idée foncière… Le remodelage est un événement urbain jubilatoire : jalon du bon récit de la ville, il construit une mémoire urbaine heureuse autour du thème : "vous auriez vu comment c’était avant". Chaque fois que c’est possible, le remodelage est à tenter. Il permet de penser la mutation du quartier, autorise qu’on puisse imaginer une évolution pouvant déboucher sur une banalisation de lieux décriés jusque-là. » Sophie Denissof et Roland Castro.
« En raison de l'image détestable qu'elles véhiculent, les barres HLM construites dans les années 1960-70 sont pour la plupart vouées à la démolition. Il existe une alternative à cette solution radicale dans les projets de renouvellement urbain : le remodelage. C'est ce qu'est en train de démonter l'atelier Castro Denissof Casi (75) avec la barre Balmont. Situé dans le quartier de la Duchère à Lyon _ quartier, objet depuis 2003 d'un Grand Projet de Ville (GPV) _, dominant la vallée de la Saône, cet immeuble de 368 logements (avant rénovation), livré en 1965 par Régis Cootin et Franck Grimal architectes, bénéficie d'une situation exceptionnelle et appartient, depuis plus de quarante ans, au paysage lyonnais.
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Pour cette raison et aussi parce qu'il n'est pas question de faire table rase du passé et de rayer d'un trait l'histoire personnelle des habitants du quartier qui ont construit leur vie ici, la barre ne sera pas détruite. Et, explique Roland Castro, architecte urbaniste en charge du projet : « C'est en tant qu'élément de ce grand paysage qu'a été conçu le remodelage de cette barre. Lequel s'inspire de la manière dont Le Corbusier dessinait ses unités d'habitation tels de grands paquebots ». C'est là le premier élément fort qui signe cette réhabilitation : une silhouette entièrement repensée pour casser l'image de la barre HLM. Il s'agit, selon les termes de Roland Castro, « de redessiner une ligne de ciel ».
L'objectif : « Donner une assise plus à l'échelle du bâtiment et une image plus valorisante des halls, des porches et des locaux situés en rez-de-chaussée ». Ainsi les deux premiers niveaux ont été doublés par un mur maçonné et habillé de carrelage. Un travail de maçonnerie qui vient différencier les entrées afin chacun puisse rapidement identifier et s'approprier la sienne.
Le remodelage architectural ne s'arrête pas là. Il est complété par un travail de recomposition urbaine. Travail qui se concrétise par la construction de deux bâtiments, qui remplissent une fonction urbaine et architecturale : « Ils rétablissent un rapport entre le sol de la barre et le sol du boulevard et construisent une hiérarchie entre rue et jardin ». L'un d'entre eux est adossé au pignon aveugle de la barre, créant pour celle-ci une façade urbaine sur le boulevard. « Ainsi on requalifie la rue, on tisse des liens entre la rue et la barre, on domestique la grande échelle », conclut Roland Castro. D'ailleurs cette mutation ne se limite pas au plan architectural l'un des axes du Grand projet de ville étant de favoriser la mixité sociale, on y proposera, outre du locatif aidé, du locatif intermédiaire, des logements conventionnés et même, sur le toit, des logements non conventionnés.»
Lorient - Quai de Rohan
Roland CASTRO - Sophie DENISSOF
1989